Les genres Matelea et Fockea, famille des Asclépiadacées
PRÉAMBULE
Un petit groupe informel de passionné(e)s existe en Franche-Comté, avec à l’origine un appui solide de la part du Jardin botanique ! Pierre Millet et Michel Froidevaux ont d’ailleurs été parmi les acteurs de cette « association » et, débutants comme grands amateurs, nous nous réunissons depuis quelques années un samedi de début janvier à la Fabrik’à Science à la Bouloie ou en cours d’année chez l’un ou l’autre d’entre nous. D’ailleurs, les personnes intéressées pourrons toujours nous contacter pour intégrer notre « équipe ».
En guise d’introduction
Depuis longtemps je me dis que je devrais faire profiter des floraisons ou des allures spectaculaires des plantes « grasses », qu’il est préférable d’appeler « succulentes » car elles stockent plutôt de l’eau ! Plusieurs familles végétales ont en effet colonisé des milieux arides en se spécialisant parfois de façon extrême, souvent en perdant les feuilles et/ou en renflant feuilles, tiges, troncs ou racines.
Je prévois donc de vous en présenter quelques unes de temps à autre et en fonction de ce qui fleurira dans ma collection ou celles des amis.
PS : pour les conditions de culture, et sauf cas particuliers qu’alors je développerai, je vous renvoie aux sites internet bien achalandés, par exemple https://www.cactuspro.com ou d’autres… A votre choix !
J’indiquerai également si cette plante est trouvable dans le commerce ou chez des membres de notre groupe.
Pour bien commencer, deux exemples pris chez les Asclépiadacées
Puisqu’il y a des floraisons en ce moment, nous débuterons par l’ancienne famille des Asclépiadacées (chez nous le « dompte-venin » appartient à cette famille), qui est maintenant incluse parmi les Apocynacées (chez nous ce sont en particulier les pervenches, mais aussi le laurier rose)… Ces 2 « familles » étaient autrefois séparées mais considérées comme très proches, et c’est la génétique moléculaire qui les a réunies au sein de la classification phylogénétique moderne établie par l’APG III à partir des gènes chloroplastiques.
Ce rapprochement n’est pas si étonnant : si l’on regarde attentivement la structure des fleurs, les pétales sont tordus (voir photos), on constate souvent une plus ou moins forte toxicité (de nombreuses espèces ont un rôle pharmacodynamique) et la présence de latex, les fruits se ressemblent (des follicules), qui vont en principe par 2, comme des « cornes », et sont remplis de graines équipées de soies (une convergence anatomique fonctionnelle avec les akènes des Astéracées).
Ces fameux follicules, vous en avez déjà vus : ce sont par exemple les « perruches végétales » [[voir ]], lesquelles sont en réalité les fruits comme le précise Wikimedia d’Asclepias syriaca !
Cette désormais sous-famille des Asclépiadoidées contient quelque 280 genres avec presque 2000 espèces dont certaines sont herbacées ou buissonnantes, mais aussi succulentes, cactiformes, ou volubiles ; plusieurs genres sont prisés par les collectionneurs, mais ces plantes ne sont pas toujours faciles à cultiver, sauf peut-être par les « sorciers » tels que Michel MONNIER ou Joseph MARTIN…
La très grande majorité des espèces se rencontre dans les régions tropicales ou sub-tropicales semi-désertiques ; certaines arrivent naturellement jusque chez nous, par exemple les « dompte-venin » cités plus haut (Vincetoxicum hirundinaria en touffe dans nos pelouses sèches, Vincetoxicum nigrum, volubile, présent seulement dans le Midi) et la scamonée de Montpellier, une méridionale également. D’autres se sont naturalisées.
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Ce sont des plantes entomophiles – donc fécondées par des insectes – et anémochores – donc à graines plumeuses transportées par le vent.
Les fleurs sont du type « 5 sépales, 5 pétales, 5 étamines à structure très complexe et portant des pollinies, 2 carpelles ».
L’image suivante montre la fleur de Fokea edulis (cette plante sera traitée plus loin) pour en évoquer la structure complexe remarquable caractéristique de cette famille ; il en existe plusieurs modalités basées toutefois sur le même type. En plus de la corolle « normale » (5 pétales, « [rouge]p[/rouge] »), une seconde couronne centrale est formée par l’androcée, c’est-à-dire les 5 étamines : les filets sont soudés inférieurement en un tube staminal (« [rouge]ts[/rouge] ») jaunâtre portant la couronne staminale externe dotée de 5 appendices frangés (« [rouge]acs[/rouge] »), et coté interne d’une sorte de couronne interne armée de 5 cornes staminales (« [rouge]cs[/rouge] »), tournées vers l’extérieur. Plaquées à la face interne du dispositif, 5 anthères avec chacune un lobe externe (vers le haut) en forme de lame blanche portent à leur base 2 masses polliniques étroitement appliquées contre les flancs du stigmate mais en position trop basse pour qu’il y ait auto-fécondation.
Au centre le gynécée (de couleur verte) est formé ici d’une protubérance stigmatique dont les styles soudés surplombent les 2 carpelles libres dans l’ovaire.
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Observons attentivement le « scalp » présenté ci-dessous.
La fleur est vue de dessus, et une anthère a été forcée vers l’extérieur (ici vers le bas à gauche) pour libérer le regard vers la zone où se situent les pollinies. On trouvera les légendes associées au dessin.
L’événement le plus remarquable à retenir repose sur le fait que chaque demi-pollinie d’une anthère est associée à la demi-pollinie de l’anthère voisine grâce à un rétinacle pour donner un pollinarium (voir dessin interprétatif ci-dessous) qui restera collé à l’insecte et assurera le transfert vers une autre fleur.
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Chez de nombreuses « ascleps » – pas toutes -, les fleurs très originales comme on vient de le voir développent en outre une formidable odeur de cadavre ou d’excrément dont la vocation est d’attirer… des mouches ! Curieusement, ce sont des plantes qui ont co-évolué avec les diptères en entretenant avec eux des relations extrêmement étroites, puisque leur fécondation en dépend. Attirés par l’odeur, les insectes vont chercher à pondre là où « ça sent le plus fort » : c’est au milieu de la fleur, à l’intérieur de la couronne centrale où, coincées contre le stigmate, les anthères portent leur pollen rassemblé en pollinies (comme chez les orchidées : encore une fois le phénomène bien connu de convergence adaptative !).
La mouche prospecte activement, et d’une façon ou d’une autre elle entre en contact avec les pollinies qui se collent à ses pattes ou son abdomen. Elle part avec, et si elle est de nouveau attirée par des fleurs de la même espèce, en recommençant le même manège, elle dépose cette fois les pollinies sur le plateau stigmatique, assurant ainsi la fécondation.
Que deviendra l’asticot que vous verrez sur la fleur de Matelea ci-dessous ? Il mourra, car il ne trouvera évidemment pas de viande corrompue à consommer : c’est donc d’un véritable parasitisme dont il s’agit ! Cette association à bénéfices non réciproques est nommée « sapromyophilie ».
Matelea cyclophylla et Fockea edulis
Commençons par deux genres plutôt extraordinaires par leur port et/ou leurs fleurs.
Matelea cyclophylla (Standl.) Woodson
En août-septembre, c’était la floraison de cette curieuse plante mexicaine ! C’est une liane qui démarre d’une base renflée, un caudex, liégeux et fibreux-fissuré, une structure originale qui attire les collectionneurs : c’est ici la partie inférieure de la tige qui se développe en épaisseur et sert d’organe de réserve. La grande fleur mesure jusqu’à plus de 3 centimètres de diamètre.
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Nos mouches européennes sont bien attirées par l’odeur cadavérique, mais ne sont pas des pollinisatrices efficaces et il y a très rarement fructification.
Cette espèce n’est pas commune à la vente, sauf dans les foires spécialisées.
Fockea edulis (Thunb.) K.Schum.
Presque en même temps fleurissait en abondance une autre liane démarrant également d’un caudex, lequel est nettement enterré dans la nature mais que l’on cherche au contraire « à faire voir » en collection. Fockea edulis est d’origine sud-africaine. Il est à noter que le terme latin « edulis » signifie « comestible » : c’était en effet – et c’est sans doute encore le cas – une des ressources alimentaires des peuples hottentots, qui le consommaient après cuisson pour détruire les alcaloïdes toxiques.
Le renflement du caudex est plus massif (jusqu’à plusieurs dizaines de centimètres et quelques kilos), gris et rugueux-boutonneux, les rameaux sont plus nombreux et contournés pouvant s’allonger de plus d’un bon mètre, les feuilles sont plus petites, les fleurs discrètes, jaune-verdâtre et blanches, ou brunes, superbes vues de près. La plante est en principe dioïque, ce qui signifie qu’il existe des pieds mâles et des pieds femelles séparés.
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Là encore les diptères sont de service, mais ce sont des Drosophilidés ; l’odeur répandue est ici très suave, semblable à celle des fleurs du tilleul, et croyez-moi, dans une serre bien fermée, c’est beaucoup plus agréable !
Facile à trouver en jardinerie, à ne pas confondre toutefois avec les bonsaïs de Ficus microcarpa à racines renflées.
Les personnes intéressées par ces structures dites en « caudex » peuvent en voir de très beaux exemplaires en tapant ce terme sur l’internet… ou en visitant le Jardin botanique.
Mais se préparent déjà d’autres belles floraisons que nous aurons le plaisir de vous présenter bientôt, et qui compléteront les informations sur cette famille.