Comment sauver nos rivières ?  

Des projets qui ne sont pas nouveaux mais qui n’ont jamais eu de suites coordonnées et évaluées.

 Par JP Hérold, biologiste

Concrètement il faut agir simultanément sur :

La gouvernance
La politique et la gestion de l’eau des bassins versants des rivières comtoises sont sous contrôle, mais il y a une nécessité de :

  • Mieux coordonner les modes de fonctionnement des organismes en charge des dossiers et de créer un réseau qui communique entre Agence de l’eau, SAGE, CLE, EPAGE, EPTB, DREAL, les syndicats de rivières, DDT et les fédérations départementales de pêche et de protection des milieux aquatiques …
  • Fixer des objectifs clairs, de retour à la qualité de l’eau des rivières, avec l’aide des financements reçus par les structures en charge des dossiers.
  • Dégager les urgences, donc mettre en place une hiérarchie des actions.

La connaissance du milieu
Il y a lieu de :

  • Synthétiser les études existantes et réaliser la présentation claire des multiples publications, rapports, expertises, dont celles du Laboratoire Chrono environnement de l’Université.
  • Vérifier les points de contrôle et de suivi suffisamment nombreux et fiables de la qualité de l’eau le long du réseau de nos cours d’eau, ainsi qu’analyser les résultats des pêches d’inventaire et les communiquer.
  • Puis mettre en commun les informations existantes sur une échelle de temps de 10 ans minimum des points de contrôle réguliers (analyses chimiques, biologiques, IBGN, et autres indices, pêches de comptage…) avec synthèse des résultats entre les différents intervenants.
  • Faire une analyse critique de ces résultats et publier la synthèse qui retrace l’évolution temporelle de la situation.

Les pollutions diffuses
Il y a lieu de :

  • Lancer des actions concrètes, pour exemples : continuer la mise en place de plans de désherbage communaux sans utilisation de produits phytosanitaires .
  • Poursuivre l’identification et la cartographie des zones les plus sensibles : bords de ruisseaux, fossés, dolines… et zones karstiques avec sol superficiel à préserver d’urgence !
  • Relancer des actions de sensibilisation des agriculteurs, pour la mise en ordre des stocks de produits phytosanitaires et vétérinaires et vérifier les filières de collecte des emballages et des résidus qui ne sont pas toujours gérés avec soin.
  • Développer l’agriculture biologique par des aides au diagnostic sur les exploitations candidates et des aides ciblées à la conversion.
  • Promouvoir le compostage et les pratiques autonomes qui n’ont pas d’effets négatifs sur les effluents.
  • Reprendre les actions de sensibilisation vers les communes et le milieu agricole pour que l’utilisation des produits les plus toxiques soit supprimés.

RAPPEL :
Les effets cancérigènes de nombreux produits phyto., glyphosate, métolachlore… et des nitrates sont prouvés. Les cas de cancers augmentent chaque année, une femme sur dix sera victime du cancer du sein, un homme sur trente sera victime du cancer colorectal et /ou de la prostate. C’est un vrai problème de santé publique.

Les pollutions domestiques
Il faut :

  • Développer les assainissements en séparatif, identifier les fuites et financer les mises en conformité des réseaux collectifs en amont des STEP sur chaque bassin versant.
  • Prêter une attention particulière aux déversoirs d’orage. Quand ils surversent lors des pluies très violentes , ils provoquent des accidents mortels pour la faune aquatique sur des kilomètres de rivières. Plusieurs fois par saison, c’est la ruine assurée de la rivière…
  • Pour les petites communes : renforcer les services d’assainissement non collectif à l’échelon intercommunal, avec contrôle et mise en conformité, en tenant compte de la structure des sols karstiques et de leur charge en rejets.
  • Pour les plus grandes communes et celles qui sont en bord de rivière : poursuivre la mise aux normes des réseaux : vérification des réseaux séparatifs, élimination des pertes et fuites, et prévention des risques de ruissellements toxiques par la présence de zones tampons, donc mise en place de traitements tertiaires avant le retour à la rivière.

RAPPEL :
Les fossés drainants, lagunages ou lits à macrophytes sont les plus efficaces pour éliminer les micropolluants : HAP et pesticides cancérigènes, et les résidus de médicaments, dont les perturbateurs endocriniens, ces dispositifs ne nécessitent que peu d’investissements contrairement aux STEP.

Les pollutions agricoles
Il y lieu de :

  • Poursuivre le programme de mise en conformité des bâtiments d’élevage avec des volumes de stockage de lisiers hivernaux suffisants et couverture des fosses.
  • Développer les bonnes pratiques d’épandage, éduquer pour le respect de la réglementation et pour la maitrise de l’évolution du climat.
  • Limiter les rejets de porcheries en fonction de la sensibilité du terrain karstique et Installer les procédés de méthanisation en circuit énergétique autonome.
  • Toujours rechercher les traitements des effluents d’élevages les plus adaptés à la zone identifiée des sols en prévenant les risques de transfert vers les aquifères.

RECOMMANDATION :
Une réduction des épandages riches en azote, phosphore et potassium serait la meilleure solution pour réduire leurs fuites au travers des sols karstiques à l’origine des excès d’algues vertes qui colmatent les cours d’eau et tuent la faune.

Les productions agricoles en bio sont des exemples à suivre pour bien gérer une filière comme celle du comté.

Les pollutions industrielles
Il est nécessaire de :

  • Développer les actions de sensibilisation dans le réseau des industriels en lien avec la CCI : diagnostic, tri, collecte des produits toxiques résiduels : solvants, détergents, huiles…
  • Renforcer les actions pour procéder à l’élimination de ces produits qui sont toxiques en très faible concentration par des filières adaptées.
  • Limiter la consommation d’eau par des process adaptés et en recyclant au mieux

La pêche et le tourisme pêche dans les rivières de première catégorie piscicole
On devrait :

  • Pour les ombres et les truites et pendant ces années de crise et de souffrance des rivières du Jura, préserver les faibles stocks de géniteurs autochtones et limiter les introductions de maladies en prenant un arrêté préfectoral annuel reconductible rendant :
    • La pêche en « no-kill » remise à l’eau obligatoire toute l’année,
    • Tout alevinage en truites d’élevage interdit.
  • Multiplier des plans d’eaux closes pour préserver la qualité du tourisme de pêche et la pêche récréative.

RECOMMANDATION :
Les pêcheurs sont les meilleurs lanceurs d’alerte face aux accidents multiples qui surviennent sur le réseau hydrographique, il faut leur créer un site d’information et de communication reconnu et efficace au niveau régional.

La gestion quantitative de la ressource

La police de l’eau doit assurer de façon plus efficace le respect de la réglementation sur les prélèvements et turbinages, en particulier durant les périodes de sécheresses de plus en plus fréquentes. Dans ce but, il faut :

  • Faire interconnecter les communes qui prélèvent l’eau de la rivière ou de la nappe pour la production d’eau potable, afin d’éviter les prélèvements multiples.
  • Sensibiliser les usagers aux économies d’eau potable : la sobriété devient une nécessité.
  • Supprimer le prix dégressif du mètre-cube d’eau car l’assainissement à un coût qu’il faut assumer.
  • Réviser et prêter une attention particulière aux périmètres de protection des ruisseaux en tête de bassin.

RECOMMANDATIONS :

  • Réhabiliter les sources et captages abandonnés pour raison sanitaire avec une protection nouvelle afin de diversifier et d’augmenter la ressource qui est déjà affectée par la dérive climatique.
  • Mieux gérer la réserve essentielle qu’est le lac Saint Point. La gestion est à faire au niveau du barrage en sortie, afin de donner un volume de 1 million de mètres cubes disponibles en période de sécheresse pour le soutien d’étiage du Doubs et les réserves AEP du secteur.

Les milieux humides
Il faut :

  • Les préserver comme réserves en cas de pénurie d’eau et de zones tampons pour la régulation des débits de rivières, mais aussi en périodes de crues.
  • Conserver les haies et fossés qui contribuent à la conservation de la biodiversité et à l’autoépuration des ruissellements.
  • Poursuivre les restaurations des tourbières et des zones humides des secteurs amont pour contribuer à la lutte contre la dérive climatique et à la fixation du carbone.

RAPPEL :
La conservation en vallées alluviales des secteurs de prairies humides sans drainage est utile pour lutter contre les sécheresses à répétition.
La protection et l’entretien des ripisylves en replantant en saules et aulnes les berges nues et fragiles créent de meilleures défenses face aux crues ou aux canicules.

En conclusion,
Il est indispensable de continuer l’information de la population sur les risques et les dangers de la perte de contrôle du cycle de l’eau.
Des exemples récents ont montré les craintes justifiées dues au manque d’eau en Franche-Comté comme dans les autres régions touchées par les sécheresses.
Ces craintes sont validées par l’évolution plus rapide qu’annoncée de la dérive climatique : + 1,5° n’est plus d’actualité, les climatologues annoncent + 3° dans les 15 années à venir en Franche-Comté d’après le modèle climatique régional.

L’urgence, c’est maintenant !

Alors agissons pour que nos rivières ne deviennent pas des cours d’eau intermittents !

 

 

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