Le Lynx boréal (Lynx lynx) était présent en Europe de l’ouest avec la sous-espèce Lynx lynx lynx. Il a disparu de France au cours du XIXème siècle, avant les loups et les ours, ce qui montre la grande fragilité du lynx. Puis, le lynx a été réintroduit avec succès en Suisse dans les années 70 par des lâchers de lynx des Carpathes (Lynx lynx carpathicus). L’espèce a depuis colonisé le massif jurassien qui offre un habitat propice.
Les spécialistes estiment les populations à environ un individu (adultes, sub-adultes en dispersion et juvéniles, dont seulement un sur quatre atteindra l’âge adulte) pour 110 km2, soit 11.000 hectares. Pour la Franche- Comté, différentes sources estiment donc la population de 70 à 90 individus.
Depuis l’automne 2015 et cet hiver 2015/16, les lynx sont les victimes d’une étrange « épidémie« . Plusieurs fratries errantes, sans leur mère, ont été observées puis signalées au Centre ATHENAS. Une femelle lynx n’abandonnant jamais ses petits, il faut donc conclure à la disparition de 8 femelles suitées. Une seule femelle ayant été victime d’une collision routière, une forte suspicion de braconnage, pendant la période d’ouverture de la chasse, reste l’hypothèse très largement partagée par les spécialistes. Et aucune autre explication sérieuse n’existe !
Le Centre ATHENAS a pu capturer 9 juvéniles. Ils accusent une perte de poids de 25 à 59% et seuls 5 jeunes lynx ont pu être sauvés, dont Noëlle (photo), jeune femelle mutilée qui errait à Grand-Chatel (39) avec son frère disparu depuis, donc certainement mort.
Ainsi, 8 femelles adultes ont disparu, dont 7 très probablement victimes de braconnage. L’ensemble représente 25% de la population des femelles en âge de reproduction. Et il faut ajouter la vingtaine de jeunes qui n’ont pas survécu à la disparition de leur mère.
A ce rythme, la population pourrait être en péril en moins de 10 ans. Et c’est exactement le scénario vécu par les lynx des Vosges qui ont totalement disparu du fait des actions des chasseurs-braconniers qui ne voulaient pas de prédateurs de chevreuils sur le massif vosgien.
Rappelons, et les habitants des massifs jurassien et vosgien le savent bien, que le lynx est un animal discret, qui quitte rarement sa forêt et qui ne fait aucun dégât, pas plus qu’il ne représente de danger ! Son seul crime, aux yeux de certains, est de se nourrir, donc de manger quelques chevreuils (et quelques autres proies).
Les populations de chevreuils sont en excellent état, peut-être même en meilleur état depuis la réapparition du lynx. Un ami chasseur me racontait récemment que dans certains secteurs du département du Jura, surpeuplés en chevreuils, des cas de maladies étaient apparus avec des mortalités de chevreuils et des baisses de populations, et que tout c’était arrangé depuis le retour du lynx et sa prédation naturelle!
Il faut à tout prix que les pouvoirs publics protègent les populations de lynx de nos forêts. Les franc-comtois sont très attachés au lynx et sa disparition serait une véritable catastrophe.
Pour finir, je veux signaler un projet de 2,75 millions d’euros pour réintroduire, dès cette année, le lynx dans le Palatinat allemand. Ce sont 45 individus qu’il est prévu de relâcher en 6 ans et avec l’espoir d’une colonisation des Vosges du Nord (site internet du Républicain Lorrain).
De plus, il faudra sans doute, dans quelques années, procéder à une nouvelle réintroduction dans les Vosges du Sud, et ce sera de nouveau quelques millions d’euros de dépenses.
Il est évident que la solution intelligente est de protéger efficacement les populations existantes! À ce titre, la disparition du poste du technicien qui assurait le suivi du lynx pour l’ONCFS (Office Nationale de la Chasse et de la Faune Sauvage) est totalement aberrante et même inquiétante !