Visite de la marnière de Lantenne-Vertière le 29 août 2023

Texte : Jacques Mudry
Photos : Nicole Pons et Paul Millot

La visite a été organisée par Geneviève Maillet-Guy, première adjointe au maire de Lantenne-Vertière et ancienne thésarde du laboratoire de géologie.
François Thimonier, responsable d’exploitation de la carrière, nous a guidés autour de la marnière.

Le village de Lantenne-Vertière a une activité tuilière depuis 360 ans. Depuis 1882, c’est l’entreprise Migeon qui a exploité la tuilerie. En 1998, la tuilerie rejoint le groupe Koramic, racheté en 2004 par Wienerberger, entreprise autrichienne leader mondial du secteur de la terre cuite, présente dans 30 pays et exploitant 197 usines.
Wienerberger exploite 12 usines en France dont 3 tuileries : Pontigny (Yonne), Seltz (Bas-Rhin) et Lantenne-Vertière (Doubs), où est installé le laboratoire qualité central du groupe.

La matière première de fabrication des tuiles est la marne, l’usine est donc implantée à côté d’une marnière implantée dans les marnes toarciennes (Lias supérieur). Le mur de la formation marneuse est la couche de calcaires à Gryphées du Sinémurien (sondages).
La marne est une roche argileuse qui contient de 35 à 65 % de carbonates précipités, qui lui confère sa compacité. C’est donc à la fois une roche détritique et chimique, déposée en milieu marin en strates correspondant à la décantation d’une boue argileuse cimentée par de la calcite. Le fer sous sa forme réduite et la matière organique donnent à la marne une couleur noire.
Une fois émergée et soumise à l’altération continentale, la marne s’altère en se décarbonatant, elle devient plastique. Le milieu atmosphérique oxydant transforme le fer réduit (pyrite) en fer ferrique de teinte jaune à rouille. En surface, l’activité biologique actuelle produit de la terre végétale plus riche en matière organique.

L’exploitation de la marne dans la carrière
Parmi les visiteurs, un groupe de 7 courageux membres de la SHND est venu affronter la pluie… dans la marnière de Lantenne-Vertière.

Nous traversons les anciennes marnières exploitées au début du XXe siècle : piste sur une zone remblayée reconquise par la végétation spontanée (Robiniers…).
Nous atteignons une plateforme qui domine la zone actuelle d’extraction. Sur la droite (sud-est) un ancien secteur exploité a été partiellement remblayé, il comporte une zone humide destinée à attirer les batraciens hors de l’exploitation actuelle (Fig. 1).

Fig. 1 : l’exploitation et la zone humide (cliquer pour agrandir)

L’exploitation de la marne noire se fait au bouteur, elle est poussée après avoir été ripée avec les griffes du bulldozer (Fig. 2). Préalablement à l’extraction de la marne noire, il a fallu décaper sa couverture d’argile jaune de décalcification, qui entre aussi dans le procédé de fabrication. On voit bien cette frange altérée jaune derrière le bouteur (Fig. 2). Au-dessus de l’argile jaune en revanche, la terre végétale, considérée comme stérile, a été décapée. C’est dans cette couche que sont enracinés les végétaux du sommet de la marnière. Cette terre est stockée pour permettre le réaménagement du site après exploitation (agriculture ou milieu naturel).

Fig. 2 : l’exploitation actuelle – de haut en bas végétation et terre végétale, argile jaune décarbonatée, marne noire (cliquer pour agrandir)

L’étang muni d’une pompe (Fig. 3) permet la décantation des eaux chargées d’argile en provenance de la marnière, avant leur rejet dans le réseau hydrographique. A gauche de la photo, on observe une zone partiellement réaménagée.

Fig. 3 : le bassin de décantation et la zone partiellement réaménagée (cliquer pour agrandir)

En redescendant la colline, on atteint un point de vue sur les stocks de matière première et les unités de fabrication (Fig. 4). En effet, à cause des conditions climatiques, la marnière est inaccessible l’hiver, donc tous les matériaux doivent être exploités entre avril et octobre. A cette fin, de gros tas sont stockés l’été pour que l’usine puisse produire 24 heures sur 24 tous les jours de l’année.

Fig . 4 : les unités de production (arrière-plan) et les stocks de matière première (plus près) – à droite : marnes noires, à gauche et devant : l’argile jaune, à gauche et derrière : l’argile ocre (cliquer pour agrandir)

Le matériau qui sert à la fabrication des tuiles est un mélange de 4 composants (Fig. 4) : marne noire (70%) dans les gros tas du premier plan, argile jaune de couverture (9%) à leur gauche, argile ocre de la marnière Pommerot voisine (9%) derrière le tas d’argile jaune, argile de Gerhardt (12%), acheminée d’Allemagne en péniche jusqu’à Mulhouse (pas sur la photo).

Derrière ces stocks, on voit les installations de production étendues. Le long bâtiment est la dernière unité construite, elle est automatisée et couvre un four de 200m de long.

L’usine produit 35 millions de tuiles par an avec un effectif d’environ 160 personnes. Les marnières sont exploitées par un sous-traitant depuis 1990. La marnière principale, de 60 ha, est autorisée par arrêté préfectoral jusqu’en 2041, la marnière Pommerot (argile ocre), couvrant 10 ha, autorisée jusqu’en 2034.

De nombreuses informations historiques et techniques peuvent être consultées sur le site du patrimoine industriel de la Région :
https://patrimoine.bourgognefranchecomte.fr/dossiers-inventaire/tuilerie-briqueterie-migeon-actuellement-tuilerie-wienerberger-ia25001615

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