Le buis, une espèce plus résistante que ce que l’on pouvait craindre, suite aux ravages par la pyrale du buis

Le buis (Buxus sempervirens L., famille des Buxacées) est une espèce se développant surtout en régions calcaires du sud de l’Europe : on le trouve dans des sous-bois bien exposés ou formant des fourrés denses sur des corniches ou pentes fortes. La région Franche-Comté présente des zones bien occupées par cette espèce, parfois de manière quasi monospécifique. Les observations ci-dessous concernent une zone comprise entre Besançon et le Jura au-dessus de Champagnole jusqu’à presque 1 000 m d’altitude.  Le bois du buis, clair, très dur et résistant, était autrefois et encore actuellement exploité dans la fabrication d’instruments de musique (flûtes), de boutons, jetons ou perles, de pièces de jeu d’échec ou d’objets de piété (chapelets, etc.). La ville de St Claude dans le Jura était un lieu important pour la transformation de son bois dans des usines de tournerie. Elle est la capitale de la pipe en buis, en cerisier et surtout en bruyère. Les mots grec et gaulois ont donné « buis » mais se retrouvent aussi dans les mots « boite » et « pyxide », boite en buis…

La dévastation des busseraies en Franche-Comté par un papillon invasif

Cette espèce buissonnante, très prégnante dans certains paysages, a subi ces dernières années des ravages conséquents, voire irréversibles à l’échelle d’individus nombreux, d’un papillon invasif, la Pyrale de buis (Cydalima perspectalis W., famille des Crambidées).

Originaire d’Extrême-Orient, cette espèce est actuellement considérée comme espèce invasive. Les chenilles de ce papillon nocturne se nourrissent quasi exclusivement des feuilles et des écorces du buis et provoquent, en l’absence de prédateurs spécifiques, la défoliation complète de l’arbuste. A raison de plusieurs générations par an, de mars à octobre, il ne reste alors sur les pentes et corniches que des squelettes grisâtres à la place d’un couvert toujours vert. En juin et au-delà, ce papillon peut être visible par millions d’individus, là où les buis sont nombreux. Le papillon hiberne à l’état de chenille.

Introduite accidentellement en Europe dans les années 2000, cette espèce se développe en une décennie sur tout le territoire français où le buis est présent, à partir de l’Alsace. En Franche-Comté, elle est apparue en 2013 (ou 2011) et, en quelques années (2017 et 2018 particulièrement), elle y provoque la quasi disparition des buxaies ou busseraies.

Certains individus résistants, source d’espoir

Dans le Jura, sur la côte calcaire dominant les lacs des Maclus jusqu’au Pic de l’Aigle (zones les mieux orientées vers le S-W, jusqu’à plus de 900 m d’altitude), on trouve des sous-bois de buis, parfois denses, sous des forêts de hêtres pouvant se rapporter aux Hêtraies sapinières se rapportant au Cephalanthero-Fagion, plus ou moins en limite avec du Fagion sylvaticae-Eu Fagenion sylvaticae, suivant l’exposition, au vu de l’altitude des stations.

Depuis trois ans, sur ces stations, les buis ne faisaient que disparaitre sous la pression du papillon invasif.

Mais, en ce printemps 2020, en traversant ces sous-bois de buis, quelle ne fut pas ma surprise de constater que certains pieds n’étaient pas morts et repartaient à partir du tronc ou des départs de branches, plutôt basses (voir photos). Ces parties de la plante avaient donc résisté à la consommation par les chenilles et conservé des capacités de régénération rendant possible la production de bourgeons foliaires et de nouveaux rameaux : par contre, les extrémités de branches restent sèches ; elles tomberont comme bois mort, mais seront remplacées, si le papillon les épargne, par de nouvelles branches.

Enfin, il n’a pas pu être trouvé de corrélations entre l’état des individus morts secs ou en renaissance avec les conditions environnementales (orientation, en sous-bois ou en milieu ouvert, couvert forestier plus ou moins dense ou conditions édaphiques…).

Si l’on suit le Département Santé des Forêts (le DSF, un des services de la DRAAF), un champignon profiterait aussi de l’affaiblissement des buis pour les parasiter et expliquerait en partie leur disparition alors que les pullulations de papillon ont cessé ; ce champignon (Cylindrocladium buxicola H.), lui aussi émergent, d’origine inconnue, est présent en Franche-Comté depuis 2008 : son infestation des buis se traduit par des taches claires sur le feuillage qui croissent et provoque in fine le dessèchement de la feuille et au-delà la mort des rameaux. Ce champignon ne supporte pas les températures inférieures à 5° C pour son développement. Mais ses spores sont résistantes plusieurs années. Les gelées printanières pourraient aussi être en cause.

La résistance ou la disparition d’un buis pourrait alors trouver des explications plus complexes : variants génétiquement plus résistants aux froids ou au champignon ou… au papillon !

En tous cas, les régénérations observées dans le Haut-Jura ne sont pas un cas unique : elles ont été retrouvées entre Besançon et Champagnole :

  • entre Salins et La Chapelle sur Furieuse (le long de la route D 467),
  • entre Quingey et l’aire de repos de Busy (le long de la route N 83),
  • et plus près de Besançon (le long de la route N 83).

Ici encore, sans pouvoir déterminer ce qui, localement, avait pu induire la survie et la régénération, ou la mort des différents arbustes, parfois très proches les uns des autres.

Peuplement de buis sous couvert forestier (au nord du Pic de l’Aigle 39)

Conclusions temporaires

C’est donc une bonne nouvelle qu’annoncent ces observations : les paysages de Franche-Comté continueront peut-être à présenter ces surfaces toujours vertes, accrochées aux roches calcaires qui sont une des facettes de l’identité paysagère de la région. Des buis ont résisté à la Pyrale du buis, au moins dans certaines stations observées ! Mais, à condition que la Pyrale et le champignon le leur permettent, car les moyens humains de lutte contre le papillon comme contre le champignon s’avèrent assez illusoires (pièges à phéromones pour l’insecte) et peu adaptés aux grands espaces. Les prédateurs potentiels sont rares et encore à découvrir pour imaginer l’installation d’une régulation écologique efficace à plus ou moins long terme…

Bibliographie succincte

– Site Wikipédia, différentes rubriques.

– Jimenez F. Les conséquences à long terme de la pyrale du buis. Article de l’Est républicain du 28/06/2020.

– DRAAF (Mathieu Mirabel, DSF) Information technique portant sur l’invasion de la pyrale du buis en 2017 (http://draaf.bourgogne-franche-comte.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/2017_12_21_Infotech_DSF_BgFC_Pyrale_du_buis_cle8d27f1-1.pdf)

– Villaret J-Ch. (sous la dir.de ….) Guide des habitats naturels et semi-naturels des Alpes du Jura méridional à la Haute Provence et des bords du Rhône au Mont-Blanc. Description, écologie, espèces diagnostiques, conservation. Conservatoire botanique national alpin, Naturalia publications, 2019.

– DRAAF (Mathieu Mirabel, DSF) Information technique portant sur l’invasion de la pyrale du buis en 2017 (http://draaf.bourgogne-franche-comte.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/2017_12_21_Infotech_DSF_BgFC_Pyrale_du_buis_cle8d27f1-1.pdf)

– Delarze R. Guide des milieux naturels suisses. Écologie, menaces, espèces caractéristiques. Delachaux-Nestlé, 1999.

Ce contenu a été publié dans Actualités, Botanique, Environnement. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.