Par Jean-Pierre Hérold
La Loue a un régime pluvio-nival
C’est celui d’une rivière de moyenne montagne, avec cependant des occurrences de crues très fortes lors de pluies intenses qui entraînent la fonte d’une couverture neigeuse en place sur son bassin versant dès le printemps. Une occurrence aléatoire, mais de moins en moins fréquente.
Les crues décennales atteignent 530m3/s (mètres-cubes par seconde) en janvier 2018, alors que la valeur moyenne interannuelle du débit est de 46,8m3/s à la station hydrométrique de CHENECEY-BUILLON. Les années pluvieuses, ce débit moyen se situe autour de 100m3/s soit 82 en 2014 et 128 en 1974, mais 182 en 2002.
Les étiages d’années chaudes et sèches sont de 4,2m3/s en 2003, 3,9 en 1959 et 3,5 en 1962. Ces minima historiques sont dépassés par l’année 2018 avec un débit de 2,5m3/s.
Le mois de mars 2022 est en déficit de pluviométrie de près de 80% avec un étiage de printemps exceptionnel.
A PARCEY, en basse Loue, le débit d’étiage de la station hydrométrique annonce 2,6 m3/s en septembre 2018, alors que la moyenne interannuelle est de 50m3/s.
A ORNANS, le 15 octobre 2018, le débit mesuré est de 2,3m3/s.
En mars 2022 les étiages printaniers sont aussi hors normes, comme sur les autres rivières du Jura, les effets d’un mois sec avec seulement 20% des précipitations par rapport à la moyenne.
Un des effets visibles de ces très basses eaux est l’exondation des zones peu profondes, tels les gravières et les nassis, ce sont les concrétions et tufs calcaires souvent perpendiculaires au lit de la rivière qui sont les refuges de très nombreuses espèces d’invertébrés aquatiques.
La surface en eau vive est de plus en plus réduite et en conséquence, l’espace de vie de toute la faune aquatique est réduite.
De plus, le lit encore mouillé est envahi par des proliférations de cyanophycées puis d’algues filamenteuses, chlorophycées qui colmatent les substrats et forment un tapis de Vaucheria et de Cladophora qui profitent de l’ensoleillement.
Les relations avec les températures de l’eau
A sa source l’amplitude des variations des températures de l’eau de la résurgence est limitée. Cette eau, qui a transité dans le karst profond, sort entre 6 et 9° C et atteint 10° C en aval à MOUTHIER HAUTE PIERRE. Elle reste, en année normale, à des valeurs inférieures à 15° C jusqu’à ORNANS. Elle convient donc aux espèces animales et végétales exigeant des températures basses toute l’année.
Selon la typologie proposée par Bruslé et Quignard en 2004 ce sont les espèces « d’eau tempérée froide » inférieure à 19°C.
Les effets des canicules sont faibles, le réchauffement de l’eau n’est sensible que sur les zones de faible profondeur et de faible courant, même en période d’étiage.
La végétation rivulaire, la ripisylve, contribuent à la protection contre l’ensoleillement direct, comme la présence des falaises rocheuses surplombant les gorges de Nouailles de cette partie du cours amont étroit et sinueux en aval de la source.
C’est à partir de la confluence avec le Lison que l’on note des températures qui dépassent les 25° C, au cours des épisodes caniculaires. Le Lison peut même apporter, à certaines occasions de fortes chaleurs, des eaux à 27° C, donc plus chaudes que celle de la Loue.
L’aval de cette confluence est marqué par un ralentissement du courant dû à la présence du barrage de l’usine électrique des forges de CHATILLON, sur la commune de RUREY. II constitue une zone de réchauffement majeur en période prolongée de canicule.
C’est une première charnière bioclimatique le long du cours de la Loue.
La deuxième charnière se situe à l’entrée de la vallée alluviale, en aval de QUINGEY. Le Val d’Amour s’élargit jusqu’à la grande plaine à vocation agricole située à la confluence avec le Doubs, à PARCEY.
Cette zone aval a subi les effets du redressement du cours de la rivière décidé dans les années 1960, au motif de la production agricole à développer.
Les travaux gigantesques de canalisation et d’endiguement ont conduit à une reprise de l’érosion régressive d’une rivière active, avec pour conséquences une incision dans les alluvions et une sensibilité accrue aux variations thermiques. Plus de 27° C sont mesurés dans ces secteurs en période de canicule avec des débits réduits.
Depuis un siècle, en Franche Comté, le record de température maximale absolue mesurée est de 41,5°c à ARC et SENANS le 13 août 2003, cet événement météorologique a eu des effets synchrones sur la température de l’eau de la Loue qui atteint 28°C par endroits.
Mais au niveau climatique, une augmentation discrète des moyennes de températures minimales sur 30 années de l’ordre de 1,5°C a un impact encore plus important et durable.
On en trouvera les détails dans l’ouvrage collectif « Histoire du climat en Franche-Comté » (2015).
Après les travaux de redressement de la basse Loue, les anciens méandres se trouvent perchés au-dessus du niveau de la rivière et de la nappe phréatique ; ils sont devenus des « mortes » qui ont fait l’objet de tentatives de reconnexion comme à CHAMBLAY.
Les résultats sont catastrophiques : ponts déchaussés, érosion, déconnexion des affluents et augmentation des températures entre les seuils aménagés pour « réguler » le cours de la rivière nouvelle. Les déficits en eau ont des effets remarquables : l’ancien secteur des GOUBOTS qui était situé sur le delta de la confluence Loue-Doubs, d’une richesse biologique et piscicole extraordinaire, est devenu un pauvre branchement hydraulique soumis aux crues et aux étiages. On en constate les conséquences dans l’évolution des peuplements.
L’espace de liberté accordé à la rivière entre le pont de BELMONT et le pont de PARCEY, sur environ 9 km n’est qu’un petit pansement sur une rivière très dégradée.
Globalement, les étiages sévères et l’augmentation estimée de 1 à 2 degrés de la température moyenne de l’eau de la Loue depuis 30 ans ont des conséquences biologiques notables sur les milieux et leurs populations.
Conséquences sur les populations de poissons
La répartition des espèces piscicoles de l’amont vers l’aval d’un cours d’eau est bien connue depuis les publications de HUET en 1954 puis de VERNEAUX en 1973. La zonation classique précise quatre grands ensembles, de l’amont à l’aval : la zone à truite, la zone à ombre, la zone à barbeau puis la zone à brème.
Le facteur déterminant qui régit cette répartition, est la température de l’eau. Le gradient de température n’est cependant ni régulier ni progressif puisque des affluents de la Loue : soit 51 cours d’eau répertoriés, dont 4 principaux : Brême, Lison, Furieuse, Cuisance, modifient localement la température par apport d’eau généralement plus fraîche.
On néglige aussi, souvent, la présence peu connue de « froidières », sources qui apportent l’eau résurgente du karst profond ou de la nappe alluviale, dans le lit mineur de la rivière et qui assurent un débit résiduel de survie. C’est en période de canicule, le dernier refuge des espèces strictement dépendantes de la température de l’eau, la truite et l’ombre. Ces deux espèces sont dites sténothermes contrairement aux espèces eurythermes plus nombreuses qui supportent des variations de température importantes et se répartissent de façon beaucoup plus étendue sur le parcours de la rivière, comme peuvent le faire le chevesne, le barbeau et nombre d’autres cyprinidés.
Cette dépendance aux conditions du milieu est d’origine physiologique, puisque le besoin en oxygène des espèces diffère selon le type de métabolisme oxydatif de l’organisme.
Les poissons qui ont besoin de concentration élevée en oxygène exigent des eaux plus froides (10° C à 15° C) où l’oxygène est présent en concentration de l’ordre de 9 à 12 mg/l.
En revanche, ceux qui sont adaptés à de faibles concentrations en oxygène, de 5 à 9 mg/l acceptent des eaux de 15 à 30° C, en période de canicule.
Pour mémoire la relation température versus concentration en oxygène dans l’eau est régie par des constantes physiques exprimées par la table de Winkler.
Les températures les plus élevées, mesurées dans les eaux de la Loue aval, ont atteint localement 28° C au mois d’août 2018. Cette température est létale pour la truite, suite à une hypoxie fatale.
Ceci explique que la basse vallée de la Loue a, depuis des années, perdu progressivement ses populations de truites et d’ombres. Rares, quelques grosses truites survivent dans les zones de « froidières ».
Les gravières de PARCEY à CHISSEY ont perdu leurs belles populations d’ombres, et en conséquence les pêcheurs à la mouche venant de toute la France et bien au-delà.
En revanche se maintiennent les espèces qui tolèrent les températures élevées et le peu d’oxygène disponible, comme le hotu, le barbeau, le chevesne. Ils occupent, à présent, tout le cours aval et moyen de la Loue.
On constate que des espèces inconnues il y a un demi-siècle colonisent maintenant ces milieux : la carpe et depuis peu le silure qui atteint des tailles impressionnantes.
Cette espèce, remontée du Doubs, est présente au niveau d’ARC ET SENANS et jusqu’à QUINGEY. Une bonne part du cours de la Loue est donc concernée par l’arrivée de ce prédateur polyvalent.
Deux phénomènes biogéographiques sont simultanés
- la remontée vers l’amont, sur le cours supérieur de la Loue, dans les eaux encore froides et oxygénées, des populations de truites et d’ombres, avec leurs espèces compagnes : chabot, loche franche, blageon, vairon , vandoise, lamproie de Planer. La même migration vers l’amont s’observe pour certains invertébrés aquatiques dont en particulier des éphéméroptères.
- Plus en aval l’apparition d’espèces nouvelles pour la rivière, comme le silure dont la zone d’occurrence a augmenté de 270% en Bourgogne Franche-Comté.
Puis une installation pérenne dans ce milieu de la carpe, du brochet et des espèces d’accompagnement de la grande famille des cyprinidés ubiquistes qui tendent à remplacer les espèces électives de ces biotopes : ainsi du hotu dont les cohortes nombreuses ont pris la place de l’ombre sur les gravières.
Le déversement régulier de truites arc en ciel, issues de pisciculture permet, aux sociétés de pêche, de satisfaire leurs adhérents. L’espèce ne se reproduit pas mais présente l’avantage d’une moindre sensibilité à la température et à la qualité de l’eau.
Le cas de l’apron du Rhône, espèce emblématique de la Loue, est plus complexe, puisqu’il a été répertorié sur des secteurs limités de la basse Loue (CHISSEY, ARC ET SENANS), en cohabitation avec le silure (observation de M. KUPFER, en plongée, aval du pont de CRAMANS en 2018), ainsi qu’en moyenne Loue où il est encore présent avec la truite et l’ombre.
Ses effectifs restent faibles : quelques populations résiduelles et isolées.
Un projet de reconnexion des sites où sa présence est reconnue a fait l’objet d’un plan national d’aide soutenu par des fonds européens. Ils ont permis d’aménager des passes à poissons dédiés à l’apron, mais qui profitent aussi aux autres migrateurs de la rivière. Ainsi du barrage de la station AEP de Chenecey, qui après de grands travaux en 2020, autorise désormais le passage des poissons et aussi des canoés-kayaks par deux structures parallèles.
L’apron reste cependant inscrit sur la liste rouge des espèces menacées, dans la catégorie « en danger critique » selon la nomenclature de l’UICN.
D’autres espèces, classées « en danger » comme l’ombre et le toxostome, sont aussi en difficulté, car leurs exigences biologiques ne sont plus assurées, malgré le fait que la Loue figure toujours dans la catégorie administrative des rivières en « bon état ».
Il est, en effet, paradoxal de constater que 97% du bassin versant de la Loue sont composés d’espaces naturels forestiers et agricoles, que les zones Natura 2000 représentent 23000 hectares et que malgré tout, les perturbations récurrentes des peuplements aquatiques perdurent.
Or, force est de constater que les multiples polluants d’origine anthropique : nitrates, ammoniaque, phosphates, pesticides, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), résidus de traitements des bois et des traitements vétérinaires sont présents en quantité variable selon les périodes de l’année ou les secteurs de la rivière.
Des mortalités impressionnantes de truites et d’ombres ont dévasté de nombreux secteurs, entre 2009 et 2015, et se poursuivent encore en 2022. Dans les eaux basses et claires lors de l’étiage de mars l’observation de poissons couverts de mousse (Saprolegnia parasitica ) est fréquent.
Les pathologies et leurs origines
L’expertise la plus conséquente a été réalisée par un groupe national de onze spécialistes en hydrologie, hydrogéologie, biogéochimie de l’eau, écotoxicologie, pathologie des poissons, écologie aquatique… spécialement créé par l’ONEMA, animé par Aurélie Villeneuve, spécialiste en écologie microbienne.
Les experts ont cherché des explications à ces mortalités et leur rapport a été rendu au Préfet du Doubs en 2012. Il a confirmé une dégradation qui concerne tous les compartiments écologiques ;
« Trois communautés biologiques majeures (algues, macro-invertébrés benthiques et poissons) présentent un état très dégradé qui se caractérise par une faible diversité et/ou par des abondances limitées en regard de ce que ce milieu devrait accueillir) », probablement depuis le « début des années 80 » et qui « semble traduire à la fois un excès de nutriments dans l’eau, la présence probable de polluants d’origines diverses ». L’analyse vétérinaire de poissons morts a montré qu’ils étaient souvent infestés de nombreux parasites de plusieurs espèces, genres et familles, ce qui évoque une déficience immunitaire et la mort par des pathogènes opportunistes.
Pour l’observateur, le signe évident de l’atteinte mortelle de ces poissons est le développement de la « mousse » sur les téguments ulcérés : c’est bien le parasite ultime, Saprolegnia parasitica, un Oomycète, qui est presque toujours mortel.
Une des hypothèses pour expliquer ces processus mortifères est liée à la géologie locale et à la structure karstique du bassin versant amont, responsable des phénomènes de circulation d’eau souterraine très rapide et sans filtration.
Il est bien connu l’exemple de la Loue, à sa source à OUHANS, qui s’est chargée d’absinthe quelques jours après l’incendie de la distillerie située au bord du Doubs, à PONTARLIER.
De même, les intrants divers et nombreux qui percolent vers les niveaux d’aquifères karstiques participent à la dégradation de la qualité de l’eau.
En basse vallée les faibles mortalités sont à expliquer par les échanges plus lents entre la nappe phréatique et les substrats de granulométrie réduite du lit de la rivière. Les processus de filtration et d’auto-épuration sont plus efficaces, laissant à l’activité bactérienne plus de latitude.
Malgré tous les efforts de protection on observe une banalisation des populations piscicoles sur les trois quarts du cours de la rivière. L’évolution climatique amplifie et accélère cette dérive.
Les débits de plus en plus variables et l’augmentation des températures constituent un défi que le Plan Climat du Comité de pilotage de la Communauté de communes Loue – Lison a la lourde charge de relever.
CONCLUSION
La Loue a perdu son lustre de rivière emblématique pour les pêcheurs sportifs et son excellence de modèle de cours d’eau du type « chalk stream » rivière calcaire à forte productivité biologique. Elle est devenue une rivière banale. Son statut de rivière salmonicole ne vaut plus que pour son parcours amont.
Elle reste cependant située dans une vallée remarquable et maintenant plus connue par la présence du musée Gustave COURBET à ORNANS et par l’existence de la Saline Royale due à Claude-Nicolas LEDOUX, située à ARC ET SENANS.
Mais on peut déplorer que la perte de son attractivité naturaliste et halieutique a eu, en quelques années, des effets négatifs sur l’économie locale. Des hôtels-restaurants qui, en saison, accueillaient les pêcheurs sont aujourd’hui fermés. Les gîtes de pêche et les chambres d’hôtes souffrent de la même désaffection.
La réhabilitation de la rivière passe par des mesures d’action à long terme qui prennent en compte la protection de la qualité de l’eau. Maîtriser les rejets des eaux usées avec mise en place de traitement tertiaire, maîtriser les épandages de lisier pour en faire un engrais et non un déchet à éliminer, maîtriser les usages des produits toxiques, des phytosanitaires, des sels de déneigement constituent un programme à promouvoir pour un retour à une eau de qualité.
Le réchauffement des eaux peut être atténué par des suppressions de seuils qui forment des plans d’eau où l’eau devient chaude ; mais aussi par des plantations de végétaux rivulaires qui forment une ripisylve protectrice. La protection des nappes phréatiques est essentielle pour assurer un bon équilibre des masses d’eau, en particulier en basse vallée où le relèvement du niveau de la nappe pourrait contribuer à une meilleure gestion agro-environnementale.
La dérive climatique qui s’est enclenchée dès le 20eme siècle continue de perturber les débits et les températures de l’eau de la Loue. La projection des courbes de leurs variations récentes vers les années à venir n’incite pas à l’optimisme.
Quelques références :
http://doris.ffessm.fr/ faune et flore subaquatique
BICHET V. et coll. 2015. Histoire du climat en Franche-Comté. Ed du Belvédère Pontarlier. 236 p.
BOUCHARD J. et HEROLD J.P.. 2017. La faune piscicole des 4 bassins versants de la Bourgogne Franche-Comté : plus de diversité ? Revue scientifique Bourgogne-Nature 25 : 149-163.
BRUSLE J. et QUIGNARD JP. 2004. Les poissons et leur environnement. Ecophysiologie et comportements adaptatifs. Ed. Lavoisier Paris 1522p.
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HUET M. 1954. Biologie, profils en long et en travers des eaux courantes. Bulletin français de Pisciculture, p 41-53.
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PEQUEGNOT J.P.1985. La LOUE. 123 pages édition de l’auteur.
PERSAT H et P. KEITH P. 1997, La répartition géographique des poissons d’eau douce en France, qui est autochtone et qui ne l’est pas ? Bull. Fr. Pêche Piscic . 344-345, 15-32.
SENE G. 2017 Températures des cours d’eau sur les reliefs du massif du Jura. Evolution sur les années 2010-2015 http://www.shnd.fr/spip.php?article446
VERNEAUX J. 1973. Cours d’eau de Franche-Comté (massif du Jura). Recherche écologique sur le réseau hydrographique du Doubs : essai de biotypologie. Ann. Scient. Univ. Fr. Comté. Biol. Anim.3, 9, 260 p
Annexe Complément d’information
Une espèce en expansion : le Silure glane (Silurus glanis, Linneaus 1758)
Le Silure glane est une espèce de la famille des siluridae; il tolère les changements de son milieu de vie et de larges amplitudes concernant certains facteurs (notamment la température). Le Silure glane est un carnivore opportuniste dont la proportion des différentes proies au sein de son régime alimentaire serait liée au milieu et à la présence de ces proies dans la biomasse (GUILLAUME, 2012 ; COPP et al., 2009 in MORVAN, 2016).
C’est une espèce rustique qui peut effectuer des déplacements importants dans les cours d’eau. La longévité du silure est de 15 à 20 ans, il peut dépasser 2 mètres de long et 40 kilogrammes. La reproduction a lieu si la température de l’eau dépasse 20° pendant 2 à 3 mois. La croissance est rapide : 50 à 60 cm à 3/4 ans.
Des données paléontologiques montrent que l’espèce faisait partie de l’ichtyofaune française (bassin du Rhône et probablement du Rhin) avant d’être éliminée par les glaciations (SCHLUMBERGER et al., 2001 ; BESSIS, 2012). La première introduction en France date de 1851 dans les bassins de Versailles, puis en 1857 en Alsace. Il atteint le bassin du Doubs vers 1890 et celui de la Saône en 1966 suite à l’introduction dans des étangs piscicoles en Dombes. Aujourd’hui, il est largement présent dans les grands cours d’eau de Bourgogne-Franche-Comté et son aire de répartition est en extension.
En effet, en appliquant par exemple la même méthodologie que celle développée par l’UICN pour les espèces à considérer dans l’établissement des listes rouges (UICN, 2011) et adaptée aux milieux aquatiques (BERTHELOM, 2015), la zone d’occurrence du silure augmente de 270 % entre 2005 et aujourd’hui (selon les données disponibles).
Il est présent dans la Loue moyenne et on note son expansion dans ce cours d’eau. L’analyse des données du Réseau de Contrôle et Surveillance de la DCE mettent en avant l’expansion et l’augmentation de biomasse sur la Loue et le Doubs et des niveaux restant stables sur la Saône bourguignonne et la Loire.
L’impact du silure sur le reste du peuplement de poisson a été assez sujet à controverse. BESSIS (2012) par exemple démontrait un impact dans la Saône en Côte-d’Or. Aujourd’hui des études plus poussées sur l’impact de l’espèce sur l’ichtyofaune métropolitaine sur certains cours d’eau (GUILLERAULT et al., 2015) et un bilan général de son impact potentiel sur les poissons des petits et moyens cours d’eau, dressé à l’échelle nationale à partir de l’analyse de plus de 25 ans de données de pêche de l’Onema, indiquent qu’à l’exception de quelques rares cas, le silure ne semble pas avoir d’impact majeur sur la richesse spécifique, la densité et la biomasse des poissons .
Références bibliographiques dans Bouchard et Hérold 2017, revue scientifique Bourgogne-Nature: 25, 149-163.