Visite de la Bibliothèque d’étude et de conservation de Besançon

Nouvelle version reprenant les notes de Nicole Morre-Biot et Jean-Yves Cretin

Le jeudi 2 mars 2023, une quinzaine de membres de notre société se sont rendus 2 rue de la Bibliothèque au siège de la Bibliothèque d’étude et de conservation de la ville.
Accueillis par son conservateur, Pierre-Emmanuel Guillerey, ils sont entrés presque « religieusement » dans cette vieille institution riche d’une importante quantité d’ouvrages plus ou moins précieux, tous conservés avec respect et amour par le personnel.

Quelques mots d’histoire
C’est l’une des plus anciennes bibliothèques de France, qui fut la première construite après la révolution en 1818. Elle a hérité d’un grand nombre d’ouvrages issus de legs anciens : citons en particulier ceux de Jean-Baptiste Boisot, de la prestigieuse collection de Nicolas Perrenot-de-Granvelle, du legs Pierre-Adrien Pâris ou de celui de Pierre-Joseph Proudhon, pour ne donner que les plus renommés.

La bibliothèque conserve :
– 400 manuscrits de la fin du VIII° au XX° siècle, dont 300 médiévaux ;
– 1 100 incunables ;
– près de 500 000 ouvrages et périodiques imprimés du XVI° au XXI° siècle dont 60 000 d’avant 1800 ;
– environ 5 000 dessins, 20 000 estampes, cartes postales, affiches ;
– 18 000 monnaies et médailles ;
– 200 tableaux et sculptures.
Elle abrite également le fonds régional et le dépôt légal des ouvrages parus en Franche-Comté, le tout diffusé et les références disponibles grâce à un catalogue accessible sur demande pour tout public.

La visite

Nous avons parcouru sous la direction de M. Guillerey un véritable dédale – mais seulement une petite partie des 13,5 km de rayonnage ! – en se faufilant entre les étagères débordant de plusieurs milliers de volumes, et apprécié les nombreuses adaptations et améliorations successives permettant de remplir au mieux tous les espaces libres afin d’optimiser le rangement.

En cours de route, on aperçoit un document à coup sûr historique : c’est le fac-similé de l’acte de naissance de Victor Marie Hugo ! On y lit qu’il fut inscrit « du huitième du mois de Ventose de l’an Dix de la République… né le jour d’hier à Dix heures demie du soir… » et déterminé officiellement en tant que « Garçon » !

De retour dans une haute salle de lecture, M. Guillerey nous apporte quelques-uns des précieux ouvrages anciens, soigneusement préparés à l’avance et que nous avions sollicités.

À la table de travail en attendant de consulter ces livres rares

On a pu feuilleter – avec des gants blancs – le grand livre de Mme Maria-Sibylla Merian(1), entièrement en latin – la langue scientifique de l’époque – traitant tout spécialement de quelques insectes rencontré au Surinam et de leurs plantes hôtes, dessins remarquables de précision. À ce sujet et pour les curieux, signalons que Mme Paulette Pinard en a fait l’analyse enthousiaste dans un des volumes du Bulletin de la Société entomologique de France(2) ; elle précise d’ailleurs que « c’est le premier ouvrage d’histoire naturelle sur le Surinam« . Cet article à la portée de tous et très documenté est accessible par l’internet.

La page de gauche en détail. Deux stades de développement de la chenille sont illustrés (second stade probable juste au-dessus du fruit d’annone supérieur : on y voit la corne postérieure caractéristique des chenilles de sphinx, bien visible chez le dernier stade à gauche). La chrysalide par contre n’a pas sa place logiquement ici, car la nymphose se déroule dans le sol.

Il s’avère que ce sphinx, Cocytius duponchel (Poey, 1832) est une espèce répandue en Amazonie ; ce papillon existe en Guyane française, qui a une frontière nord avec le Surinam, ainsi que dans les îles caraïbes de la Martinique et la Guadeloupe(3).
Maria Sibylla Merian (1647-1717) est l’une des précurseurs de l’entomologie moderne, science qui n’allait pas de soi à l’époque, surtout pour une femme. Elle fit publier à Amsterdam en 1705 (à ses frais) ce magnifique ouvrage dont l’illustration entomologique et botanique constitue un des premiers ouvrages scientifique sur le sujet. La bibliothèque a acheté ce document en 1842 après le décès de Dominique-Jean Larrey, chirurgien militaire français, père de la médecine d’urgence sur les champs de bataille.

Michel Rossy avait également sollicité le conservateur afin que soit accessible le remarquable volume de Sir William Hamilton concernant les Champs Phlégréens et les éruptions du Vésuve(4), document à partir duquel Michel avait proposé une conférence présentée à la SHND le 26 avril 2016(5).
La photographie n’existant pas encore, les tableaux ont été exécutés sur place lors des éruptions par un artiste-peintre italien, Pietro Fabris.

Devant le livre remarquable de Hamilton !

Sir William Hamilton (1731-1803) fut ambassadeur de Grande-Bretagne auprès de la cour de Naples de 1764 à 1800. Il étudia le volcanisme grâce à de nombreuses éruptions qui eurent lieu durant son séjour. Il identifia de nombreux cratères d’origine volcanique autour de Pouzzoles et montra que le Vésuve était le résultat d’éruptions successives alternant coulées et projections. Il est considéré parfois comme un des premiers volcanologues modernes ; il publia ses observations illustrées dont les quelques planches ci-dessous rendent compte.

Nous avons ensuite pu bénéficier de l’ensemble du « fonds Olivier Ordinaire »(6), une belle collection d’ouvrages mycologiques anciens appartenant à la SHND, et que nous avions mis en dépôt à la Bibliothèque après notre déménagement des locaux de la Faculté de la Place Leclerc, dans les années 2000, afin qu’ils y soient conservés de la meilleure façon possible, et surtout qu’ils puissent être utilisés par les spécialistes du monde entier. Il s’agit de nombreux livres de mycologie collectés par le donateur, et eux aussi abondamment illustrés.

Un grand merci à M. Guillerey pour son accueil chaleureux, qui nous a ouvert les portes de ce vénérable établissement. Il prépare avec enthousiasme un prochain déménagement dans la future « Grande Bibliothèque » qui doit être transférée dès 2027 – espérons le – dans un nouveau bâtiment voisinant l’ancien hôpital Saint- Jacques, comme l’indique l’image suivante qui en montre l’aspect futur.

Références bibliographiques sommaires

(1) Metamorphosis insectorum surinamensium, 1705
(2) Bulletin de la Société entomologique de France, 102(4), 1977 : 305-318. Voir <https://www.persee.fr/doc/bsef_0037-928x1997_num_102_4_17352>
(3) Voir <https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/935076/tab/carte>
(4) Campi Phlegraei. Observations on the volcanos of the Two Sicilies as they have been communicated to the Royal Society of London, 1776
(5) « Sir William Hamilton et le Vésuve. Un volcanologue « moderne » au siècle des Lumières » par Michel Rossi.
(6) Olivier Ordinaire (1845-1914) : voir l’article du 14 mars 2018 en cliquant dans le bandeau d’accueil du site SHND sur la rubrique « Publications scientifiques » puis tout en bas sur « Autres » et dérouler le ruban.

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